FUNIX

Les inégalités entre l'outre-mer et la métropole : cas particulier de l'île de la Réunion


Partie 1

Une évolution nécessaire du modèle socio-économique sous forte contrainte

Partie 2

Les leviers de réduction des inégalités

Conclusion


Introduction



Titre 2 : Un rattrapage de la Réunion vis à vis de la métropole en panne



Ce chapitre évoque le fait que les politiques publiques marquent le pas depuis les années 90 après avoir connu un certain succès dans la réduction des inégalités jusqu’aux années 80. Ce relative échec des politiques publiques peut s’expliquer par différents facteurs évoqués dans ce chapitre comme des structures institutionnelles inadaptées et inefficaces, un modèle économique et social qui entretient les inégalités, une absence de stratégie et des élus locaux ou nationaux qui ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux.

2.1 Des politiques publiques à bout de souffle

À la fin des années 80, à une période qui correspond peu ou prou au départ de Michel Debré de la députation de la Réunion, on observe un essoufflement des politiques publiques ou du moins la disparition d’une vision stratégique. Le fort taux de croissance économique conjugué avec l’alignement progressif des prestations sociales et des minima sociaux sur la métropole (achevé en 1996 pour le SMIC et en 2002 pour le RMI) contribuent à réduire mécaniquement encore les inégalités. Pourtant les écarts s’aggravent dans les années 90, malgré la succession à un rythme soutenu des lois et plans de rattrapage. Dans cette liste à la Prévert on peut citer de manière non exhaustive :

·         la loi n° 86-824 du 11 juillet 1986 de finances rectificative pour 1986[72] dite loi Pons sur la défiscalisation dans les DOM ;

·         la loi n° 94-638 du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte[73] dite loi Perben ;

·         la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer[74];

·         la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer[75] ;

·         la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer[76] ;

Malheureusement sans nier les efforts financiers consentis et la volonté de réduire les inégalités, on a pu constater que ces lois ne s’inscrivent pas dans un schéma d’ensemble doté d’une vision stratégique, elles sont élaborées au gré des majorités ou de l’actualité sans fil directeur. On assiste à un empilement de lois, une loi remplace l’autre sans qu’il y ait de réelle continuité entre elles, pas plus qu’il n’existe un suivi ou une évaluation des lois précédentes. Au final on arrive à des revirements de dispositifs, des dispositifs qui s’empilent, quitte à en devenir contradictoires et a minima complexes à mettre en œuvre. Au final cela crée des dispositifs inapplicables et cela génère un climat d’incertitude juridique permanent qui s’oppose à toute vision long terme.

Dans un référé du 21 novembre 2016[77], la Cour des comptes notait encore récemment qu’il manquait « une vision d’ensemble des politiques publiques outre-mer » avec des défauts d’organisation, tant interministérielle que ministérielle qui entravent l’action de l’État.

2.2 Une structure institutionnelle, économique et sociale porteuse d’inefficacité

2.2.1 Des structures institutionnelles inadaptées

La structure institutionnelle de la Réunion se caractérise par un millefeuille administratif qui couvre le domaine de l’Union européenne, jusqu’à celui de la collectivité locale en passant par ceux de l’État, de la région et du département. Chaque couche, dans les limites de ses compétences, élabore des documents stratégiques avec programmation et planification des politiques publiques. On peut citer dans le désordre :

·         la stratégie européenne pour les régions ultrapériphériques dont la communication du 24 octobre 2017 en dresse les principales caractéristiques[78];

·         le contrat de plan État région de la Réunion[79];

·         le Schéma Régional de Développement Économique d’Internationalisation et d’Innovation (SRDEII) de la Réunion[80];

·         le Schéma de l'Enseignement et des FORmation supérieurs, et de la REcherche (SEFORRE) de la Réunion ;

·         le Schéma d’Aménagement Régional (SAR) de la Réunion[81].

Le CESER de la Réunion, dans son avis sur le projet de loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer[82], s’interroge sur la cohérence de tous ces plans et notamment avec la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République[83], dite loi NOTRé, qui donne des nouvelles compétences aux régions et notamment dans le domaine du développement économique et l’aménagement durable du territoire. Malgré une bonne intention initiale, leur complexité de mise en œuvre et l’absence de vision d’ensemble n’augurent rien de bon pour leur mise en application et évoquent plutôt une dispersion d’énergie et une fragmentation des budgets.

Le rapport d’information du Sénat sur « les DOM, défi pour la République, chance pour la France, 100 propositions pour fonder l'avenir »[84] pointe également l’existence de collectivités départementale et régionale sur un même territoire exigu couvrant la même population avec un « enchevêtrement de compétences qui, dans certains cas, conduit chaque niveau de collectivité à mener des actions parallèles - si ce n’est concurrentes - dans les mêmes domaines ». Cette coexistence est coûteuse pour les finances publiques, avec un doublement des administrations, des moyens, des agents et des élus et conduit à une dilution des responsabilités. Par ailleurs le mode de scrutin différent de la région et du département peut conduire à une cohabitation d’organes exécutifs aux sensibilités politiques différentes, avec les risques de conflits et de blocages dans la mise en œuvre des politiques publiques. Tel fut le cas en 2012 avec la région Réunion gérée par l’UMP et le département Réunion par le MoDEM. On pourrait penser ces deux sensibilités relativement proches et pourtant les émeutes qui ont embrasé l’île début 2012 ont mis en exergue l’absence d’approche commune et une relative cacophonie dans la gestion du conflit par les autorités locales.

2.2.2 Une gestion défaillante des collectivités locales

La situation financière des collectivités de la Réunion est dans une situation pour le moins paradoxale, elles bénéficient globalement de ressources élevées, supérieures à celles des collectivités équivalentes de métropole malgré un autofinancement faible mais leurs charges de fonctionnement élevées obèrent toutes capacités d’investissement et capacité à mener des politiques publiques ambitieuses pour lutter contre les inégalités.

Les collectivités d’outre-mer bénéficient de ressources spécifiques dont l’octroi de mer et la taxe sur les carburants. À la Réunion en 2016 ces deux taxes représentent 15,7% de leurs recettes de fonctionnement en moyenne et jusqu’à 22,7% pour les communes.

L’octroi de mer est un impôt qui perdure depuis le XVIIème siècle, à l’origine il permettait de taxer toutes les marchandises arrivant par la mer. Aujourd’hui c’est une taxe indirecte sur la consommation au même titre que la TVA collectée dans les seuls départements d’outre-mer et à laquelle sont assujettis tous les produits importés et ceux produits localement et qui profitent aux collectivités locales. Le taux de l’octroi de mer est décidé au niveau du conseil régional. Il est réparti entre les différentes collectivités locales mais profitent majoritairement aux communes avec des critères d’attribution qui conduisent à une répartition très inégale. Ainsi comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport sur les finances des collectivités locales en 2017[85] « la commune la plus richement dotée est Saint Philippe avec 742€ par habitant contre 273€ par habitant pour la plus faiblement dotée, Le Tampon. De même, la progression moyenne de 1,7% par an des recettes de l’octroi de mer des communes entre 2012 et 2015 masque des évolutions contrastées entre une baisse de 2,4% par an dans la commune du Tampon et une hausse de 6,1% par an dans celle de Saint Rose. ». Outre une répartition inégale qui va du simple au triple, les critères d’attribution ne prennent pas du tout en compte les différences de développement d’une commune à une autre ainsi que la part des populations dans le besoin.

La taxe spéciale sur la consommation des carburants (TSC) remplace la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) qui est en vigueur en métropole. Comme pour l’octroi de mer, le taux est décidé au niveau du conseil régional, mais ne peut pas être supérieur à celui de la TICPE. Le produit des taxes est réparti entre les différentes collectivités locales et représente 14% des recettes de fonctionnement pour la région, 4% pour le département et 3% pour les communes. La TSC sert principalement aux investissements et à l’entretien du réseau routier.

À l’inverse l’autofinancement est faible, le produit des impôts directs des communes de la Réunion est inférieur dans un rapport de 20 à 30% à celui des communes métropolitaines. Plusieurs raisons expliquent cet état de fait. Dans un premier lieu, la Réunion et les départements d’outre-mer d’une manière générale ont une base fiscale étroite, c’est-à-dire une population potentiellement assujettie aux impôts directs. Ainsi comme le note la Cour des comptes[86] le potentiel fiscal[87] des communes est inférieur à la moyenne nationale de 95% à la Réunion. D’une manière générale dans les DOM l’étroitesse des bases tient pour partie à un défaut de recensement des administrés, toutefois pour la Réunion ce recensement est jugé acceptable par la Cour des comptes dans son référé du 6 mars 2018 sur l’établissement, le contrôle et le recouvrement de l’impôt outre-mer[88]. À la Réunion l’étroitesse de la base tient surtout à la typologie de la population avec une large base non imposable. De fait les collectivités locales ont tendance à appliquer des taux d’imposition supérieurs à ceux de métropole et à les faire augmenter plus rapidement et font peser à la fraction imposable minoritaire le fardeau fiscal. Les chiffres donnés par la Cour des comptes donnent un taux de taxe d’habitation de 21,4% contre 12,9% pour la moyenne nationale, un taux de taxe foncière à 30,6% contre 14,2% pour la moyenne nationale.

 

 

Taxe d’habitation

Taxe foncière sur les propriétés bâties

Évolution des bases nettes imposées

Taux votés moyens 2015

Évolution des bases imposées

Taux votés moyens 2015

La Réunion

6,7%

21,4

7,3%

30,6

France entière

5,7%

12,9

4,9%

14,2

 

Tableau 3 : Évolution des taux et bases de la taxe d’habitation et de la taxe foncière entre 2013 et 2013 (source Cour des comptes – données DGFiP)

 

Dans un deuxième lieu, les collectivités se privent de revenu en décidant des exonérations qui représentent 34% des bases brutes en 2015. Comme le note la Cour des comptes « les objectifs poursuivis les bénéficiaires de ces exonérations ne sont pas clairement identifiés » ! En d’autres termes, les assemblées délibérantes attribuent des privilèges fiscaux dans la plus stricte opacité sans qu’aucune évaluation de leur efficacité ne soit réalisée.

Les collectivités locales peuvent compter également comme source de revenu sur la péréquation qui comme le précise l’article 72-2 de la constitution[89] est un mécanisme de redistribution destiné « à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ». Il existe deux mécanismes de péréquation :

·         la péréquation horizontale entre collectivités avec un transfert des collectivités les plus riches vers les plus pauvres ;

·         la péréquation horizontale avec des versements de l’État vers les collectivités, la dotation globale de fonctionnement (DGF) constitue la principale ressource.

Les règles de calcul des péréquations sont également différentes par rapport à celles des collectivités métropolitaines. D’après la Cour des comptes, les règles sont particulièrement complexes et « ne repose(nt) pas sur une analyse du besoin des DOM ». Malgré cela, la péréquation horizontale est globalement favorable à l’outre-mer. En revanche pour ce qui concerne la DGF comme le souligne Marylise Lebranchu, alors ministre de la décentralisation et de la fonction publique, lors d’un débat au Sénat le 17 novembre 2015 sur la réforme de la DGF « la moyenne des parts figés de la DGF est de 59 euros par habitant pour les communes des DOM et de 153 euros par habitant pour la métropole. Chacun s’accordera à reconnaître qu’il y a là une injustice qu’il faut corriger, sinon les élus d’outre-mer ne réussiront pas à rattraper des retards qui sont dommageables au pays tout entier ».

Les collectivités locales souffrent du poids élevé des charges de personnel dû aux sur-rémunérations et aux sureffectifs. La masse salariale est le premier poste de dépenses de fonctionnement des communes. La Cour des comptes rapporte que « bien que la masse salariale obère fortement leurs capacités financières, les communes d’outre-mer n’ont pas entrepris d’en regagner la maîtrise à la différence des communes de l’hexagone. Bien au contraire, elle continue à augmenter ».

 

 

Progression des charges de personnel 2013/2015

Charges de personnel / charges réelles de fonctionnement

La Réunion

8,1%

65,1%

France métropolitaine hors Paris

3,1%

53,4%

 

Tableau 4  : Dépenses de personnel 2015 (source Cour des comptes – données DGFiP et observatoire des finances locales)

 

Le personnel des collectivités territoriales se voit également attribuer des majorations de traitement à l’instar des fonctionnaires de la fonction publique d’État contribuant ainsi à alourdir sensiblement les frais de personnel. Ces majorations pour les fonctionnaires territoriaux peuvent aller jusqu’à 54 % du traitement brut de base, or comme le souligne le rapport de la Cour des comptes sur les finances publiques locales 2017[90], elles ne sont pas justifiées. En effet ces majorations sont liées à la prise en compte du coût de la vie et à la sujétion d’éloignement, or la différence de prix entre la métropole et la Réunion est très inférieure (7,1 % en 2015) à la majoration et la très grande majorité du personnel sont des locaux originaires de la Réunion qui ne subissent aucun éloignement de leur famille. Pour le département, les charges de personnel représentent 325€ par habitant contre une moyenne de 183€ en métropole. Pour la région, les charges de personnel représentent 135€, soit le triple de la moyenne nationale qui est à 45€ par habitant.

Quant aux effectifs, le rapport du Sénat sur « Les DOM, défi pour la République, chance pour la France, 100 propositions pour fonder l'avenir »[91] pointe le nombre de fonctionnaires territoriaux et de contractuels qui est plus important que les collectivités équivalentes en métropole, le chiffre de 30 % de sureffectif en moyenne est avancé. Par ailleurs, la Cour des comptes relève que la « structuration des effectifs n’est pas adaptée à une mise en œuvre efficace des politiques publiques et les collectivités manquent d’agents qualifiés ». En effet « les sureffectifs reposent sur un plus grand nombre d’agents aux fonctions d’exécution (catégorie C). À l’inverse, les agents exerçant des fonctions de conception et de direction (catégorie A) ou d’encadrement intermédiaire (catégorie B) sont moins nombreux ».

 

 

Catégorie A

Catégorie B

Catégorie C

La Réunion

5%

7,2%

87,8%

France hors Mayotte

6,8%

11,8%

80,7%

 

Tableau 5 : Proportion d’agents par catégorie dans les communes en équivalent temps plein (source Cour des comptes – données DGCL, les collectivités locales en chiffres 2016).

 

La Réunion a également la particularité d’avoir recours massivement aux contrats aidés qui représentent pas moins de 7% de la population active. La Cour des comptes note que « les contrats aidés expliquent pour moitié le surpoids de la masse salariales des communes réunionnaises par rapport aux communes de métropole ». Globalement ces embauches sont justifiées par les élus locaux par la lutte contre le chômage, les collectivités jouent ainsi un rôle de « buvard social ». Dans le magazine l’Express de début septembre 2013, René Noël, président de l’association des maires de Guadeloupe, résume la situation : « pendant des décennies, les maires ont recruté plus que de raison. Il s’agissait, pour eux, de jouer un rôle d’amortisseur social au moment de la disparition du monde agricole qui poussait beaucoup de monde vers le chômage (…) il y avait une bonne part de clientélisme dans leur démarche. Au départ, le phénomène paraissait limité. Untel était embauché pour dix heures de travail hebdomadaire, un autre pour douze heures, un troisième pour treize heures. Au total, ces temps partiels équivalaient à un temps plein. Et ainsi, l’on faisait plaisir à trois familles d’électeurs… ». Ce constat est évidemment totalement applicable à la Réunion. Comme le note la Cour des comptes « les recrutements dans le secteur public local sont volontairement utilisés comme un moyen de lutte contre le chômage au détriment des finances des collectivités ». La Chambre régionale des comptes de la Réunion, lors de son audience solennelle du 22 mars 2017 en la personne de Gilles Johanet, procureur général auprès de la Cour des comptes, considère également que les communes font le « choix risqué » d’abuser des contrats aidés.

Au final en utilisant la typologie définie par la Cour des comptes pour caractériser la situation financière d’une collectivité ou établissement public :

·         la situation est considérée comme saine, quand la capacité d’épargne est suffisante pour financer une part des investissements et l’évolution des charges de personnel est contenue sur la période ;

·         la situation est fragile lorsque l’épargne et le fonds de roulement sont insuffisants pour financer les investissements et que les charges de personnel sont en augmentation significative ;

·         la situation est dégradée lorsque la trésorerie négative ou nulle conduit à la constitution de dettes sociales et fiscales conduisant à des délais de paiement des fournisseurs très élevés. La collectivité dispose toutefois soit d’une réserve fiscale lui permettant d’inverser la situation, soit d’une marge de manœuvre sur ses dépenses ;

·         la situation est critique lorsque la dégradation est telle que la multiplication du produit de la fiscalité directe locale par deux ne suffirait pas à rétablir la situation.

Pour la Réunion, seulement 32,3% des communes et établissements publics sont dans une situation financière saine.

 

 

 

Situation saine

Situation fragile

Situation dégradée

Situation critique

Communes

8

8

8

 

EPCI

1

2

2

 

Département

 

1

 

 

Région

1

 

 

 

Répartition totale

32,3%

35,5%

32,3%

0%

 

Tableau 6 : Typologie des situations financières des collectivités de la Réunion en 2016 (source Cour des comptes)

 

En conséquence beaucoup de communes n’ont pas la capacité de financer leur investissement par leur épargne brut et ont un recours massif à l’endettement, ce mode de financement est également largement utilisé par les collectivités à la situation plus saine, ainsi pour la seule région la dette s’élève à 671€ par habitant en 2015 contre 368€ en moyenne en métropole. L’emprunt finance à hauteur de 36% les investissements à la Réunion. Pourtant comme le souligne la Cour des comptes «  ce mode de financement contribue à dégrader leur situation financière ». Par ailleurs les dépenses sociales sont la première charge du département en raison de la typologie de sa population avec une forte proportion bénéficiaire des minima sociaux, elles sont deux plus élevées que dans l’hexagone et continuent d’augmenter en aggravant l’équilibre financier du département déjà fragile. Les subventions diverses permettent de pouvoir conduire les opérations investissements, elles proviennent notamment des fonds de compensation pour la taxe de valeur ajoutée (FCTVA) qui se montent à 45% du montant des investissements à la Réunion, du contrat de plan pluriannuel État Région (CPER)[92] ou bien encore des fonds européens structurels et d’investissement (FESI).

Les difficultés financières et la moindre proportion de personnels qualifiés dans les collectivités ont un impact direct sur le niveau de qualité des services publics et expliquent pour une grande partie le retard pris dans le développement de certaines infrastructures, notamment dans le domaine des réseaux d’eaux et de traitement des déchets. Pour ces deux services publics en particulier, la Cour des comptes souligne que la situation est aggravée par le fait « les prix sont bas au regard des coûts et les services ne dégagent pas des capacités suffisantes pour une gestion patrimoniale des réseaux » et que les communes ont un processus de recouvrement défaillant pour ne pas dire inexistant. D’une manière générale, les recettes des services publics locaux sont 4 fois inférieures à celles des services publics des communes en métropole.

2.2.3 Un modèle économique et social qui entretient les inégalités

Le modèle économique local est marqué par une forte tertiarisation au détriment du secteur traditionnel de l’agriculture qui prédominait jusque dans les années 60.


 

Illustration 9 : Évolution des parts de chaque secteur d’activité dans l’emploi total depuis 1954 (source INSEE)

D’après le rapport annuel 2016 de l’Institut des Émissions des Département d’outre-mer (IEDOM) sur l’île de la Réunion[93], le nombre des emplois s’élève à 279 834 au 31 décembre 2015, un tiers d’entre eux se trouve au sein de la fonction publique (d’État, territoriale et hospitalière). Parmi eux, fin 2013, les contrats aidés représentaient 21 % des effectifs de la fonction publique territoriale contre 3,7 % au niveau national. Les services non marchands qui gravitent autour de la fonction publique à statut privé et public représentent au total 42,4 % de l’emploi salarié total, soit quasiment un sur deux. Le secteur privé est composé en 2015 d’un secteur marchand qui emploie 31,1 % des salariés et le secteur du commerce classique 12,7 %, le poids de l’industrie y est proportionnellement trois fois inférieur à celui de la métropole. Toujours en 2016, le chômage s’établit à 22,4 % de la population active et touche officiellement 136 890 personnes inscrites en catégorie A, chiffre qui ne couvre pas l’ensemble de la population entre ceux en recherche d’emploi non inscrits et ceux qui ont abandonné toute recherche et survivent grâce aux minima sociaux.

On peut résumer l’état économique de la Réunion avec un secteur non marchand tertiaire prédominant  composé par une sur représentation d’emplois publics, un secteur privé composé de groupes concentrés où la concurrence joue peu et d’une multitude de petites et très petites entreprises. Le secteur secondaire de l’industrie et de la construction est porté par la commande publique.

Concernant les emplois publics, les agents de la fonction publique d’État bénéficient d’une sur-rémunération avec un coefficient multiplicateur qui s’élève à 1,53 à la Réunion (qui est soit dit en passant supérieur à celui des autres DOM historiques) institué par la loi n°50-407 du 3 avril 1950 concernant les conditions de rémunération et les avantages divers accordés aux fonctionnaires en service dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Réunion[94]. Les militaires bénéficient également de sur-rémunération. À l’époque, le dispositif avait pour but d’attirer le personnel métropolitain, car il compensait les conditions de vie difficiles et précaires et le différentiel de prix avec la métropole. Or comme le souligne le rapport du Sénat sur « Les DOM, défi pour la République, chance pour la France, 100 propositions pour fonder l'avenir »[95] cette sur-rémunération systématique ne se justifie plus aujourd’hui et a même « un effet néfaste sur les mécanismes de formation des prix et crée(nt) par ailleurs une inégalité durement ressentie entre la fonction publique et l’ensemble des salariés du secteur privé ». Comme on l’a vu précédemment les fonctionnaires territoriaux bénéficient également d’une sur-rémunération et aggravent le phénomène. Il subsiste également des incongruités réglementaires qui viennent plomber les comptes publics, ainsi les fonctionnaires de souche réunionnaise travaillant à la Réunion ont doit à une prise en charge de leurs frais de voyage s’ils veulent partir en vacance en métropole[96] !

La structure du tissus économique de la Réunion repose aujourd’hui essentiellement sur le secteur public avec des transferts qui s’opèrent à partir de la métropole, le rattrapage économique des années 60 à 80 n’a pas permis de développer une économie locale créatrice de richesses locales, pouvant procurer du travail à une population jeune et nombreuse. En effet la Réunion est longtemps restée, du fait de son passé colonial, à l’écart des logiques de l’économie de marché qui a prévalu en Europe et qui a permis le développement d’une économie capitaliste de marché viable. L’effort dans la formation n’a jamais pu résorber le problème de sous qualification des réunionnais qui explique également le faible niveau d’innovation de la Réunion. Le secteur privé occupe au final une portion congrue et une grande part de son activité repose encore sur la commande publique. Cette structure déséquilibrée au profit du secteur public ne permet pas de générer naturellement des emplois et de réduire de fait durablement le chômage et les inégalités qui vont avec, malgré un taux de croissance supérieur à celui de la métropole (en 2015 taux de croissance de PIB de 2,8 % pour la Réunion contre 1,3 % au niveau national). Elle a permis toutefois l’émergence d’une classe moyenne constituée d’agents publics et de commerçants issus de la classe défavorisée qui est sortie de sa condition de pauvreté initiale. La classe défavorisée, même si elle s’est réduite sensiblement, représente encore une proportion importante de la population, elle survit grâce à des emplois précaires, aux emplois aidés et aux prestations sociales qui tiennent une place centrale dans l’économie familiale.

2.2.4 Un système politique qui pousse au conservatisme dans un contexte budgétaire contraint

Le système actuel pousse à un certain conservatisme, les possédants tiennent à conserver leurs acquis et privilèges qu’ils soient dans le monde public ou privé. Les élus, quant à eux, cherchent à conserver leur siège qui leur permet d’accéder à un certain statut social. Pour ce faire les élus entretiennent leur base électorale avec des outils comme les emplois aidés, les subventions ou l’attribution de logement. La Chambre régionale des comptes de la Réunion, lors de son audience solennelle du 22 mars 2017 en la personne de Gilles Johanet, procureur général près la Cour des comptes, pointait les dérives des collectivités réunionnaises avec « des communes qui se disent que demain c’est noël ». Comme vu précédemment le poste qui dérape le plus étant celui des ressources humaines, Gilles Johanet cite ainsi l’exemple du centre communal d'action sociale (CCAS) de la ville de Saint-Louis dont l’essentiel du budget sert à payer les salaires au lieu d’aider les pauvres (88 % contre 12 %!!). La commune de Saint Louis est elle même épinglée par la Chambre régionale  des comptes de la Réunion pour sa gestion financière calamiteuse dans son avis du 10 juillet 2018[97]. Malgré une situation financière très dégradée le conseil municipal vote le 2 mars 2018 une augmentation des indemnités des élus locaux à hauteur de 790 000€ annuelle ! La seule élue qui s’oppose à cette mesure se voit débarquer illico presto de l’équipe municipale[98] en subissant l’opprobre générale. Les dérives de ce genre ne sont malheureusement pas des cas isolés et alimentent quasi quotidiennement la presse locale. On peut citer également l’exemple du CCAS de Sainte Marie actuellement en grande difficulté financière malgré une augmentation de la subvention municipale et qui n’est plus capable de remplir sa mission de soutien social mais qui a pourtant réussi à acheter des chevaux pour monter un centre équestre ! Ces exemples illustrent la déconnexion totale d’un certain nombre d’élus locaux plus prompts à maintenir voire à augmenter leurs privilèges qu’à lutter contre les inégalités.

L’État n’est pas en reste et peut faire preuve également d’un certain conservatisme et frilosité, pour preuve le 27 novembre 2017 Annick Girardin, ministre des outre-mer, a déclaré « dans ce gouvernement, il n’est pas question de remettre en cause la sur-rémunération » des fonctionnaires d’outre-mer[99], fermant ainsi la porte à toutes réformes sur le sujet malgré les recommandations de la Cour de comptes qui considère ces avantages salariaux non justifiés[100]. Cette frilosité est d’autant plus marquée que le contexte budgétaire difficile n’encourage pas les réformes.

Les querelles politiques et partisanes nuisent également gravement à l’action publique et à sa continuité au-delà du jeu démocratique des changements de majorité. On peut prendre l’exemple navrant de l’abandon du projet tram-train qui devait à terme reconstituer un chemin de fer côtier moderne sur les traces de celui qui a existé par le passé et qui a fonctionné jusqu’en 1976 pour céder la place à la voiture triomphante. Cependant aujourd’hui le développement du « tout voiture » sur un périmètre contraint a conduit à un phénomène de congestion du trafic. La saturation du trafic génère d’immenses embouteillages à l’entrée des grandes villes notamment au niveau de la préfecture Saint-Denis. Dans le même temps les transports collectifs sont peu développés et basés sur des autobus soumis aux mêmes désagréments d’engorgement du réseau routier. Une étude INSEE sur les déplacements domicile-travail de 2014[101] montre que le recours au transport en commun reste faible et stagne à 5 % depuis 1999 contre trois fois plus pour la métropole. Comme en métropole du fait du renchérissement de l’immobilier, les travailleurs s’installent de plus en plus loin de leur lieu de travail et parcourt en moyenne 25km par jour, soit plus qu’en métropole. l’INSEE note que « l'allongement des trajets et l'augmentation du nombre d'actifs occupés représentent un défi majeur pour le développement durable des transports à La Réunion ». Face à cette situation après des décennies de débats et d’atermoiements, le conseil régional de la Réunion décide enfin en 2008 de lancer le projet du tram-train qui s’inscrit dans une pleine démarche de développement durable, projet soutenu par le Grenelle de l’environnement de 2007. Le financement est bouclé, un marché de partenariat public privé signé avec la société Tram’Tiss soutenue par des grands groupes, les premières expropriations ont lieu dans la foulée pour construire la gare sur Saint Denis. Contre tout attente, au changement de majorité en 2010 du conseil régional qui passe de la gauche à la droite, le projet est purement et simplement abandonné pour un projet totalement contre l’air du temps puisqu’il s’agit de construire une nouvelle route du littoral (NRL) sur la mer montée sur pilotis. Dans la foulée le programme Grenelle de l’Environnement à La Réunion – Réussir l’innovation (GERRI) imaginé par la majorité précédente est enterré, pour le Sénateur Eric Doligé[102] il mettait pourtant « La Réunion (..) à la pointe des initiatives en matière de développement durable » avec l’ambition d’être le premier territoire du monde avec des transports collectifs qui n’ont pas recours aux énergies fossiles. C’est un signal fort pour persévérer dans le choix du tout voiture et pour encourager les réunionnais à poursuivre leur rattrapage de l’équipement des ménages en véhicule vis à vis de la métropole (70 % contre 80%). Ce projet lancé dans la précipitation comme pour mieux faire diversion à la polémique née de l’abandon du projet tram-train accumule depuis les difficultés. Dans un article de mediapart du 24 septembre 2015, le journaliste Julien Sartre pointe le côté pharaonique du projet qui est l’un des plus grands chantiers d’Europe avec une route qui pourrait devenir la plus onéreuse au monde au kilomètre, ainsi que les nombreuses atteintes à l’environnement qu’on semble découvrir au fil du chantier. On se souvient que la Commission Nationale de la Protection de la Nature (CNPN), organisme gouvernemental rattaché au ministère de l’Écologie, avait donné un avis défavorable[103] au projet. Pour couronner le tout, des soupçons de corruption et de favoritisme ont déclenché l’ouverture d’une enquête judiciaire qui est toujours en cours. Ce chantier continue à faire les choux gras de la presse locale comme l’illustre un éditorial récent au vitriol du journal de l’île de la Réunion[104].

 

Illustration 10 : Vue d’artiste de la nouvelle route du littoral (source https://www.cadden.fr/cas-clients/la-nouvelle-route-du-littoral-a-la-reunion)

 

Les raisons officielles invoquées pour l’abandon du tram-train sont d’ordre financier et l’évaluation socio-économique du projet est jugée insuffisante. Des arguments qui peinent à convaincre face aux dérives de la NRL. Au final à part des considérations purement politiques, on voit assez mal ce qui a pu conduire à l’abandon du projet. Cet exemple illustre parfaitement comment les intérêts partisans peuvent réduire à néant des politiques publiques. Plus grave encore l’État a été passif et complice de ce revirement qui va à l’encontre de tous ses engagements environnementaux en débloquant des crédits et en récusant l’avis défavorable de la Commission Nationale de la Protection de la Nature. Le fait est que l’État ne souhaite pas s’opposer aux décisions des collectivités territoriales qui bénéficient d’une autonomie de gestion consacrée par l’article 72 de la constitution[105], en particulier pour les collectivités territoriales d’outre de mer pour se prémunir de toute suspicion d’intervention aux relents colonialistes.

Eliane Mossé dans son rapport au gouvernement « quel développement économique pour les départements d’outre-mer »[106] dénonçait en 1999 « la démagogie des politiques qui achètent la paix sociale et les voix en ne touchant pas aux avantages acquis ; ils ne décident rien ou le font dans l'urgence ». Malheureusement des années après les choses n’ont guère évolué. Plus grave encore, les cas de corruption sont nombreux, d’après l’association Transparency France, la Réunion avec un indice de perception de la corruption de 16,62 occupe la peu glorieuse 4ème place au niveau national des régions françaises comptant le plus de condamnations liées à la corruption, hors collectivités d’outre-mer, derrière la Corse (indice de 47,4), Mayotte (33,98) et la Guyane (18,22). On notera que les régions les plus touchées par la corruption sont tous des îles ! Sans doute le fait d’être dans un espace exigu et isolé conduit à ce que tout le monde se connaît plus ou moins, ne serait-ce au sein des familles et de leurs alliances. Des liens, des clans, des relations de dépendance, des rapports de force et de domination se sont créés qui influent considérablement sur les comportements et la manière d’appréhender la vie publique et qui sont assez peu compatibles d’une stricte législation. En se limitant à la fonction de maire, en septembre 2018 pour les 24 communes de l’île, on relève que huit d’entre eux, soit le tiers, ont déjà fait l’objet d’une ou plusieurs condamnations pour des faits de prise illégale d’intérêts, favoritisme, détournement de bien, abus de bien sociaux voire corruption et quatre autres maires sont sur le coup d’une enquête judiciaire en cours. Les chiffres auraient pu être encore plus mauvais car deux maires ont dû récemment céder leur place au profit de leur premier adjoint car ils étaient devenus inéligibles suite à des condamnations. Depuis quasiment toujours, la vie politique réunionnaise est peuplée de figures locales professionnelles de la politique multi condamnées, volontiers adeptes de népotisme et qui occupent le devant de la scène pendant des décennies y compris pendant leurs périodes d’inéligibilité pendant lesquelles ils continuent à tirer les ficelles en coulisse. On peut s’étonner de la mansuétude de l’électeur réunionnais qui continue à voter pour eux. Sans doute parce que les populations les plus défavorisées qui auraient le plus intérêt à ce que la situation évolue ne vont traditionnellement pas voter, comme l’INSEE le montre dans une étude sur les élections présidentielles et législatives de 2002 à 2017[107], alors que la population favorisée a, au contraire, tout intérêt à faire perdurer un système qui entretient leurs avantages en choisissant un homme politique qui va continuer à leur attribuer des subsides sous des formes diverses et variées. Le fait que des personnalités à la probité incertaine continuent à être élues entretient ensuite le sentiment que le système tourne pour la classe dominante au détriment des défavorisés qui perdent espoir dans le système démocratique et le rejette. Cela s’est traduit souvent par un vote pour des partis extrémistes populistes de droite et de gauche, car comme l’a si bien dit la ministre de la santé Agnès Buzyn lors des discussions à l’Assemblée nationale sur le plan pauvreté le 18 septembre 2018[108] en invectivant le député France Insoumise de la Réunion Jean-Hugues Ratenon « vous n'avez aucun intérêt à ce que nous arrivions à résoudre la pauvreté dans ce pays car vous en vivez, vous vous en nourrissez » ! Concrètement lors des dernières élections présidentielles de 2017, le taux d’abstention a été de 41,32 %, la Réunion étant un des dix départements où l’on a le moins voté, les autres départements et régions d’outre mer font également partie de ces dix départements avec des taux d’abstention encore plus forts. Les partis d’extrême sont arrivés en tête avec Jean Luc Mélenchon avec un score à 24.53% devant Marine le Pen à 23.46%. On peut noter qu’à cette occasion, ce ne sont pas seulement les rares défavorisés, qui ont voté, qui ont permis ces scores, mais également tous ceux de la petite classe moyenne voire des strates plus favorisées qui avaient sans doute ras le bol du système, de ses affaires et de son clientélisme, qui se sont exprimés. On peut noter également la percée historique du front national qui occupait jusqu’à présent une place marginale à la Réunion, elle vient largement remettre en cause l’image de tolérance dont se prévalaient les réunionnais.

Comme le souligne Mr Paul Junot qui s’exprime au nom de la CFTC, en annexe du rapport du CESER de la Réunion sur le projet de loi égalité réelle[109], on tente de modifier les règles du jeu mais c’est voué à l’échec car les acteurs n’évoluent pas. Or Mr Junot affirme que « la mentalité et la moralité des acteurs (est) trop éloignées d’une certaine éthique, et des valeurs humanistes caractérisant les grandes civilisations ». En quelque sorte la pauvreté morale entraîne la pauvreté matérielle. Néanmoins sans verser dans le manichéisme primaire et prêter une absence de moralité à l’ensemble de la classe politique, la plupart des politiciens sont entrés dans le monde politique avec un idéal humaniste, des valeurs républicaines et dans l’objectif de bâtir un monde meilleur et de réduire les inégalités, mais petit à petit ils se retrouvent broyés par un système qu’ils sont bien incapables de faire évoluer, et font au mieux dans les limites étroites qui leur sont permises en devenant bien malgré eux les instruments du même système au prix de compromissions avec leurs convictions et leurs valeurs.

Cette tendance n’est pas spécifique à la Réunion, elle s’étend malheureusement à l’ensemble de la France frappée d’immobilisme politique, avec toutefois heureusement une proportion de politiciens en maille avec la justice bien moins importante. Tel est le constat amer de Benjamin Griveaux dressé dans l’édition du 27 mai 2018 du journal du dimanche « la lutte contre la pauvreté est un très mauvais investissement électoral. Car sortir les plus fragiles de la précarité prend du temps, des années, parfois une génération. Investir dans l’éducation et la santé d’un enfant qui est né dans un quartier populaire produira des effets positifs dans dix, quinze ou vingt ans. C’est un horizon trop lointain pour une classe politique qui n’a eu bien souvent comme seul cap que la prochaine élection. Cerise sur le gâteau, les quartiers les plus pauvres enregistrent les plus forts taux d’abstention. Inutile donc d’en faire trop ! Les politiques sociales se sont ainsi limitées à un seul objectif : éviter l’explosion en achetant la paix sociale à coups de subventions, d’allocations, de compromissions ». 

2.2.5 Un système dévoyé au détriment des plus démunis

Les agissements d'une minorité d'élus locaux ternissent la vie politique locale et jettent l'opprobre sur l'ensemble des élus. Il en est malheureusement de même dans les autres domaines de la société, domaine social, société civile et économique où une minorité d'individus dévoie le système à leur profit en profitant de l'argent public. Les exemples sont malheureusement légion mais on retiendra le scandale de l'Aurar dénoncé par le journal de l'île de la Réunion dans son édition du 24 juin 2017[110]. L'Aurar est une association de loi 1901 à but non lucratif certifiée par la Haute Autorité de Santé et qui est le plus gros opérateur de dialyse à la Réunion (+ 50% des dialysés à la Réunion). Il se trouve que les patients sont maintenus dans les unités de traitement (en centre ou en unités de dialyse médicalisées) les plus lourdes et les plus rémunératrices pour l'association contre l'intérêt médical du patient et au détriment de solutions plus légères, autonomes, voire définitives comme la transplantation. Ce qui fait que la Réunion a un taux très inférieur de dialyse autonome ou de transplantation rénale par rapport à la métropole (17% des patients sont transplantés à la Réunion contre 44% au plan national) et la Réunion détient le record du taux de patients dialysés avec un chiffre 4 fois supérieur en 2012 par rapport au total de la somme des autres régions françaises d'après le rapport 2014 de l'Observatoire régional de la santé à la Réunion[111] ! L'association, à but soit disant non lucratif, a ainsi pu générer des mirifiques bénéfices sur le dos des patients et de la sécurité sociale d'un montant de 22 millions d’euros plus ou moins dissimulés dans un montage complexe de structures juridiques et commerciales qui n'ont rien à voir avec l'objet de l'association. L'association gère également un patrimoine immobilier de 20 millions d'euros, sa présidente s’est attribuée un salaire de 11000€ mensuel (sans les primes). Le délégué général de fédération hospitalière dans une interview le 13 mars 2018 pour le site d'informations zinfos974[112] dénonce le fait que « ce système déviant n'aurait sans doute pas pu se développer à cette échelle et durer aussi longtemps sans l' existence de situations créatrices de conflits d'intérêt majeurs à des niveaux très importants du système de soins local et dans le cadre de la commission spécialisée de l'offre de soins ». Sous la pression des lanceurs d'alerte non relayés par les élus locaux étonnamment passifs et l'interpellation directe de la ministre de la santé Agnès Buzyn, l’Agence de Santé océan indien (ARS Océan indien) s'est vue contrainte de saisir en octobre 2017 la Chambre régionale des comptes pour enquête. Nonobstant les suites judiciaires éventuelles de l'enquête, la sécurité sociale a déposé plainte le 17 septembre 2018 pour surfacturations. On peut souligner l'indifférence des pouvoirs publics jusqu'à présent alors que la Cour des comptes s'était émue de la situation déjà dès 2015 dans son rapport annuel sur la sécurité sociale[113] et qu'une plainte avait été déposée en 2010 par un syndicaliste CFDT de l'Aurar. Plainte qui est restée opportunément sans suite et qui a été retirée depuis par le déposant après une augmentation significative de son salaire[114]. L'Aurar a pu bénéficier également d'une certaine complaisance voire complicité des pouvoirs publics car elle a bénéficié également indûment d'avantages du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) réservés à des établissements à but lucratif et même de subvention au titre des fonds d'intervention régional alors même que le scandale avait éclaté depuis plusieurs mois. Sa présidente étant même promue en 2017 dans l’ordre de la Légion d’honneur pour les services rendus à la tête de son association !

 


Illustration 11 : Caricature de Leroy sur le scandale de l’Aurar parue dans le journal de l’île de la Réunion du 28 septembre 2018

On se rend compte que l’État participe activement par son inaction ou ses actions à cette gabegie d'argent public. On peut se demander ainsi si la construction récente d’un espace de combat de coqs, gallodrome, sur la commune de la Plaine des Palmistes pour un montant de 370 232€ financés à 90 % par l’État[115], est un choix pertinent dans le contexte actuel.

Autre exemple illustrant la dérive d’un système qui touche tous les milieux de la société réunionnaise dont celui de l'éducation. On découvre que l'Institut d'Administration des Entreprises (IAE) qui dépend de l'Université de la Réunion emploie des maîtres de conférence qui n'ont même pas le bac et qui poussent le vice à employer illégalement à leur profit des élèves de master 2 tourisme sous un prétexte pédagogique[116]. Depuis sous la seule pression médiatique les dits intéressés ont été démis de leur fonction.

Conclusion Titre 2 : Un rattrapage de la Réunion vis à vis de la métropole en panne

Malgré des progrès indéniables et spectaculaires dans la réduction des inégalités dans les décennies qui ont suivi la départementalisation, on peut constater que la dynamique s’essouffle à partir des années 90. Les politiques publiques ne parviennent plus à réduire les inégalités qui demeurent élevées, pire encore la structure même de l’économie basée principalement sur le secteur public ne permet pas de générer les emplois pérennes qui réduiraient le chômage et par là même les inégalités.

L’absence de vision stratégique et de cohérence dans la durée des politiques publiques qui varient en fonction du changement de majorité et de l’actualité du moment obèrent l’efficacité de l’action publique qui doit faire face au conservatisme de la classe dominante et des élus plus prompts à assurer leur propre réélection et entretenir leur électorat. Les politiques ne sont pas les seuls concernés, la Réunion est touchée par un mal pernicieux qui ne touche pas seulement le monde politique, tous les domaines de la société sont concernés : la société civile, l’éducation, les domaines social et économique. Ce mal, qui gangrène littéralement la Réunion, bafoue l’intérêt général en privilégiant les intérêts partisans d’une minorité et constitue un frein majeur à la réduction des inégalités. L’État est souvent considéré comme passif voire complice de ces dérives en tout genre. Une situation que les électeurs réunionnais supportent de moins en moins et qui se traduit dans les urnes par des votes extrêmes qui font craindre pour la démocratie.

Toutefois malgré ces dérives et même si les politiques publiques n’ont pas permis de supprimer les inégalités, elles les atténuent sensiblement. Comme le rappelle le rapport de l’INSEE Analyses la Réunion n°27 de septembre 2017[117] le versement des prestations sociales quelle que soit leur nature (allocations familiales, logement et minima sociaux) réduit considérablement les inégalités de revenu et la pauvreté en général. Sans cette redistribution des richesses, bien plus de la moitié des réunionnais vivraient sous le seuil de pauvreté, elle permet au final d’atténuer les inégalités d’au moins de 30 %.






[72] « Loi n° 86-824 du 11 juillet 1986 de finances rectificative pour 1986 », consulté le 12 mai 2018, https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000512460&categorieLien=cid.

[73] « Loi n° 94-638 du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l’emploi, l’insertion et les activités économiques dans les départements d’outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte », consulté le 12 mai 2018, https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000548628.

[74] « Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer », consulté le 12 mai 2018, https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000548628.

[75] « Loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer », consulté le 12 mai 2018, https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000387814.

[76] « Loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer », consulté le 12 mai 2018, https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000605656.

[77] Cour des comptes, « Référé de la cour des comptes sur l’administration centrale du ministère des outre-mer (exercices 2011 à 2015) », 21 novembre 2016, consulté le 9 mai 2018, https://www.ccomptes.fr/fr/documents/34216.

[78] « Un Partenariat Privilégié, Renouvelé et Renforcé Avec Les Régions Ultrapériphériques », consulté le 18 mai 2018, http://ec.europa.eu/regional_policy/fr/information/publications/communications/2017/un-partenariat-privilegie-renouvele-et-renforce-avec-les-regions-ultraperipheriques.

[79] « Contrat de plan Etat Region 2015-2020 de La Reunion », consulté le 18 mai 2018, http://www.reunion.gouv.fr/IMG/pdf/Le_contrat_de_plan_Etat-Region_2015-2020_de_La_Reunion.pdf.

[80] « Le Schéma Régional de Développement Économique d’Internationalisation et d’Innovation (SRDEII) de la Réunion », consulté le 18 mai 2018, https://www.regionreunion.com/IMG/pdf/srdeii.pdf.

[81] « Le Schéma d’Aménagement Régional (SAR) (2011) », consulté le 18 mai 2018, https://www.regionreunion.com/actualite/toute-l-actualite/le-schema-d-amenagement-regional-sar.

[82] CESER Réunion, « Rapport du Conseil Économique, Social et Environnemental Régional de la Réunion sur le rapport Lurel sur l’égalité réelle outre-mer », 13 juillet 2016, consulté le 12 mai 2018, https://www.ceser-reunion.fr/fileadmin/user_upload/tx_pubdb/archives/16.07.13_Avis_projet_loi_Eg._reel._adoption_Bureau.pdf.

[83] « Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République », consulté le 18 mai 2018, https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030985460&categorieLien=id.

[84] Doligé Eric, « Les DOM, défi pour la République, chance pour la France, 100 propositions pour fonder l’avenir », 7 juillet 2009, consulté le 10 mai 2018, https://www.senat.fr/rap/r08-519-1/r08-519-1.html.

[85] Cour des comptes, « Rapport sur les finances publiques locales 2017 », 11 octobre 2017, consulté le 21 juillet 2017, https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-10/20171011-rapport-finances-publiques-locales.pdf.

[86] Cour des comptes, « Rapport sur les finances publiques locales 2017 », 11 octobre 2017, consulté le 21 juillet 2018,  https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-10/20171011-rapport-finances-publiques-locales.pdf.

[87] Le potentiel fiscal d'une commune est égal à la somme que produiraient les quatre taxes directes de cette collectivité si l'on appliquait aux bases communales de ces quatre taxes le taux moyen national d'imposition à chacune de ces taxe

[88] Cour des comptes, « Référé l’établissement, le contrôle et le recouvrement de l’impôt outre mer », 6 mars 2018, consulté le 24 juillet 2018, https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2018-06/20180625-refere-S2018-0132-impot-outre-mer.pdf.

[89] « Constitution de la 5eme République Française », 4 octobre 1958, consulté le 8 mai 2018, https://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Constitution-du-4-octobre-1958.

[90] Cour des comptes, « Rapport sur les finances publiques locales 2017 », 11 octobre 2017, consulté le 21 juillet 2018, https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-10/20171011-rapport-finances-publiques-locales.pdf.

[91] Doligé Eric, « Les DOM, défi pour la République, chance pour la France, 100 propositions pour fonder l’avenir », 7 juillet 2009, consulté le 10 mai 2018, https://www.senat.fr/rap/r08-519-1/r08-519-1.html.

[92] « Contrat de plan État Région 2015-2020 de La Réunion », consulté le 18 mai 2018, http://www.reunion.gouv.fr/IMG/pdf/Le_contrat_de_plan_Etat-Region_2015-2020_de_La_Reunion.pdf.

[93] « Rapport annuel 2016 sur la Réunion de l’Institut des Émissions des Départements d’Outre Mer (IEDOM) », consulté le 21 mai 2018, http://www.iedom.fr/IMG/pdf/ra2016_la_re_union.pdf.

[94] « Loi n° 50-407 du 3 avril 1950 concernant les conditions de rémunération et les avantages divers accordés aux fonctionnaires en service dans les départements de la Martinique, de la guadeloupe, de la Guyane et de la Réunion. | Legifrance », consulté le 21 mai 2018, https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006068076&dateTexte=.

[95] Doligé Eric, « Les DOM, défi pour la République, chance pour la France, 100 propositions pour fonder l’avenir », 7 juillet 2009, consulté le 10 mai 2018, https://www.senat.fr/rap/r08-519-1/r08-519-1.html.

[96] « Décret n°78-399 du 20 mars 1978 relatif, pour les départements d’outre-mer, à la prise en charge des frais de voyage de congés bonifiés accordés aux magistrats et fonctionnaires civils de l’Etat. | Legifrance », consulté le 14 août 2018, https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006062863.

[97] « Avis de la chambre régionale des comptes de la Réunion concernant le budget primitif 2018 de la commune de Saint-Louis », 10 juillet 2018, consulté le 7 septembre 2018, https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2018-07/REA2018-006.pdf.

[98] « Saint-Louis : Juliana M’Doihoma démise de sa fonction d’adjointe », Réunion la 1ère, consulté le 7 septembre 2018, https://la1ere.francetvinfo.fr/reunion/saint-louis-juliana-m-doihoma-demise-sa-fonction-adjointe-604689.html.

[99] « “Pas question de revenir sur la sur-rémunération” des fonctionnaires en Outre-mer », Actualité fonction publique territoriale (blog), 27 novembre 2017, consulté le 11 octobre 2018, https://www.weka.fr/actualite/remuneration/article/pas-question-de-revenir-sur-la-sur-remuneration-des-fonctionnaires-en-outre-mer-58991/.

[100] « Audit de la cour de comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques », 29 juin 2017, consulté le 21 juillet 2018, https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-07/20170629-diaporama-rspfp.pdf.

[101] INSEE, « Déplacements domicile-travail - Insee Analyses Réunion n°4 », 16 décembre 2014, consulté le 17 août 2018, https://www.insee.fr/fr/statistiques/1285585.

[102] Doligé Eric, « Les DOM, défi pour la République, chance pour la France, 100 propositions pour fonder l’avenir », 7 juillet 2009, consulté le 10 mai 2018, https://www.senat.fr/rap/r08-519-1/r08-519-1.html.

[103] Conseil national de la protection de la nature, « Avis du conseil national de la protection de la nature relatif à la demande de dérogation à la protection stricte de certaines espères de faune et de flore sauvages dans le cadre du projet de Nouvelle Route du Littoral présenté par le conseil régional de la Réunion », 24 juin 2013, consulté le 24 mai 2018, http://www.lagazettedescommunes.com/telechargements/Avis_CNPN_du_24_06_projet_Rte_du_Littoral_REUNION.pdf.

[104] « Les lascars de la NRL », Clicanoo.re, consulté le 11 octobre 2018, https://www.clicanoo.re/Editorial/Article/2018/10/06/Les-lascars-de-la-NRL_552551.

[105] « Constitution de la 5eme République Française », 4 octobre 1958, consulté le 8 mai 2018, https://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Constitution-du-4-octobre-1958.

[106] Eliane Mossé, « Quel développement économique pour les départements d’outre-mer » (Secrétariat d’Etat à l’Outre-mer, 22 mars 1999), consulté le 24 mai 2018, http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/994001540.pdf.

[107] « Élections présidentielles et législatives de 2002 à 2017 : une participation atypique en 2017 - Insee Première - 1671 », consulté le 16 août 2018, https://www.insee.fr/fr/statistiques/3140794.

[108] « Agnès Buzyn charge les Insoumis : “Vous vous nourrissez de la pauvreté” », L’Obs, consulté le 29 octobre 2018, https://www.nouvelobs.com/politique/20180918.OBS2549/agnes-buzyn-charge-les-insoumis-vous-vous-nourrissez-de-la-pauvrete.html.

[109] CESER Réunion, « Rapport du Conseil Économique, Social et Environnemental Régional de la Réunion sur le rapport Lurel sur l’égalité réelle outre-mer », 13 juillet 2016, consulté le 18 mai 2018, https://www.ceser-reunion.fr/fileadmin/user_upload/tx_pubdb/archives/16.07.13_Avis_projet_loi_Eg._reel._adoption_Bureau.pdf.

[110] « [Editorial] Abracadabra | Clicanoo.re », consulté le 17 octobre 2018, https://www.clicanoo.re/Editorial/Article/2017/06/24/Abracadabra_476408.

[111] Observatoire régional de la santé océan indien, « L’insuffisance rénale chronique à la Réunion », novembre 2014, consulté le 17 octobre 2018,  https://www.ors-ocean-indien.org/IMG/pdf/tb_irc_2014.pdf.

[112] David Gruson Réunion ancien directeur général du CHU de La, « Tribune Libre - “Dialyse Gate” : Une non pertinence des soins majeure pour les patients », Zinfos 974, l’info de l’ile de La Réunion, consulté le 17 octobre 2018, https://www.zinfos974.com/Tribune-Libre-Dialyse-Gate-Une-non-pertinence-des-soins-majeure-pour-les-patients_a125400.html.

[113] Cour des comptes, « Rapport sécurite sociale sur l’insuffisance rénale chronique terminale », 9 septembre 2015, consulté le 17 octobre 2018, https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/20150915-rapport-securite-sociale-2015-insuffisance-renale-chronique-terminale.pdf.

[114] « [Editorial] Marie Rose se fait du mauvais sang | Clicanoo.re », consulté le 17 octobre 2018, https://www.clicanoo.re/Aurar/Editorial/Article/2017/08/26/Marie-Rose-se-fait-du-mauvais-sang_487109.

[115] P.M., « Un rond de coqs financé par l’État ? », journal de l’île, 3 mars 2018.

[116] « Le trou », Clicanoo.re, consulté le 17 octobre 2018, https://www.clicanoo.re/Editorial/Article/2018/09/01/Le-trou_547052.

[117] « Quatre Réunionnais sur dix vivent sous le seuil de pauvreté - Insee Analyses Réunion - 27 », consulté le 10 mai 2018, https://www.insee.fr/fr/statistiques/3128421.